Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 20:12

dessins-d-enfants-040.jpgNotes  prises à partir de l’intervention orale de M.GRANDATY . 12 MAI 2011

 

Rôle de l’album jeunesse et de la presse dans l’acquisition de la lecture.

 

I. Place et rôle de la lecture/écriture

 

Jack Goody explique dans son livre intitulé  Entre l’oralité et l’écriture, publié en 1994 :

« Alors que le langage s’est vraisemblablement développé lentement depuis 2 millions d’années pour devenir une caractéristique fondamentale de toute l’humanité, l’écriture qui n’est là que depuis 5000 ans n’est un trait universel de toute société humaine que depuis guère plus de cent ans ». Autant dire que la perception d’une lecture qui « baisserait » dans nos pratiques n’a pas de sens. En revanche on constate un écart important des pratiques parmi la population. Et c’est grave, car comme l’explique J.M.G. Le Clézio dans son discours du prix Nobel : « Il n’est pas possible de fonder le respect d’autrui et l’égalité sans donner à chaque enfant le bienfait de l’écriture ». L’enjeu, donner envie de lire, est bien un enjeu démocratique et un quart de nos élèves entrent en collège sans pouvoir comprendre un texte avec efficacité.

Le Clézio utilise le mot d’écriture car il faut rappeler l’analyse de R. Barthes qui définit la lecture comme une activité productive. Il parle de « scripteur », c’est-à-dire quelqu’un qui interprète le texte qui effectue une lecture active, créative du texte littéraire. C’est une lecture active qui ne peut être envisagée comme passive, de pure consommation. Pour Le Clézio l’idée est de faire lire tous les enfants ; pour fonder l’égalité et le respect des autres il faut donner accès à la lecture à toute la population.

D’où l’intérêt du nom de votre association : « Lire et Faire lire » qui incite à l’activité du sujet car c’est une pratique sociale comme une autre qui doit prendre sa place dans le quotidien de nos vies.

 

« Lire et faire lire » : c’est le psychologue du développement Vygotski qui, au siècle dernier, a mis en avant l’importance (à contrario de J. Piaget) des médiations humaines dans les apprentissages linguistiques. L’enfant a besoin de médiations et de médiateurs et LFL en fait partie.

La lecture est l’un des moyens les plus importants pour faire diminuer la violence. Car nous aidons la société à devenir plus égalitaire par l’écriture comme le dit Le Clézio. Il existe une certaine fragmentation de la population, par exemple, les enfants du voyage sont dans l’oralité et pas la lecture. Donner à tous nos enfants les bienfaits de l’écriture. 45% des livres qui sortent sont reliés à un public de lecteurs de moins de 15 ans. Les perspectives d’avenir sont donc bonnes mais l’évolution, après 15 ans montre qu’il faut rester vigilant.

 

La lecture n’est pas à concevoir comme un simple acte de consommation et le livre comme un simple produit. Lire, c’est devenir acteur et entrer en résonnance avec la pensée et le monde imaginaire d’autrui. Il faut prendre le temps de ce partage dans sa vie quotidienne. Les retraités, par leur expérience, deviennent ainsi les gardiens d’un avenir démocratique.

La lecture est à concevoir comme un processus de délégation. Lire c’est partager, déléguer : l’enfant va lire sans moi, il va lire à d’autres. L’enfant prend en charge le pouvoir de lire. Il y a le plaisir et le pouvoir de la lecture. Ce qui se cache derrière la lecture, c’est quelque chose de l'ordre du pouvoir comme l’explique Michel Foucault dans ses premiers cours au Collège de France qui portent sur le savoir et le rapport au savoir des individus dans une société. Tout bon élève a compris cela. Cela veut dire acquérir le pouvoir sur les choses et le monde.

Nature de cette délégation :

-          Sociale : rôle de la famille, des pairs…

-          anthropologique : par ex, les comptines aident l’enfant à conquérir des sons et des lettres et leurs rapports entre eux.

-           didactique : l’école comme institution indispensable

  -      cognitive : la lecture doit être traitée explicitement

 

LFL s’inscrit dans une perspective sociale et anthropologique alors que l’enseignant est dans une approche didactique et cognitive. Il faut distinguer les rôles respectifs de chacun.

 

 Je ferai référence aux recherches de Robert Darton et à son chapitre sur l’Islande et l’apprentissage de la lecture dans son dernier livre Apologie de la lecture.

Une grande partie de la population vit sans livres et sans apprentissage explicite, écrit-il. Pourtant, affirme-t-il, en Islande au XIX ième siècle toute la population sait lire. En effet, les livres qui circulent sont écrits à la main et circulent dans toutes les familles. Les enfants apprennent à lire en écoutant et en relisant les histoires sur leur propre peuple et ses traditions, histoires déjà connues oralement. Il existait ainsi certaines conditions pour déléguer l’apprentissage de la lecture sans livre et sans enseignement explicite. Ce qui montre l’importance des niveaux sociologique et anthropologique où l’association LFL se situe. C’est-à-dire que la nature didactique et cognitive a pu être pris en charge efficacement par l’entrée socio/anthropo.

 

II. Qu’est-ce que lire ? Relation de l’école à la lecture.

 

Lire relève d’une une triple activité de décodage, de compréhension littérale des mots et des phrases et de compréhension fine (faire des ponts culturels par inférence). On fait des ponts entre les phrases et les pages, avec la connaissance que l’on a du monde, avec les genres d’écrits).

Cette triple activité ne relève pas des mêmes responsabilités.

Dans le décodage, c’est l école et le traitement didactique qui interviennent. La période de déchiffrement est indispensable. Car il existe des langues transparentes comme l’italien ou l’allemand - quand je lis une syllabe ou un mot, je les vois et je les entends - mais aussi des langues opaques, comme l’anglais ou le français  où les graphèmes ne renvoient pas toujours à des phonèmes (bo /beau). Les enfants dyslexiques ont des problèmes de décodage. Ils traitent les informations à déchiffrer avec un décalage temporel. En Italie l’apprentissage du principe alphabétique peut  s’effectuer un an plus tôt que chez un petit anglais. En français et en anglais on repère facilement les enfants dyslexiques.

 

Il faut faire des ponts pour asseoir son apprentissage de la lecture. L’école doit structurer du lexique, la ponctuation de la phrase, le déchiffrement, mais l’école a peu de temps pour faire des ponts avec d’autres textes, ou à l’intérieur du texte. L’activité globale de lecture dans sa triple dimension prend du temps, ce dont l’école manque (programmes).

Lire, c’est comprendre et construire des projets de lecture. Ce sont les bibliothèques, les associations qui peuvent approfondir et asseoir ces ponts que l’enfant doit effectuer. L’école doit donc être entourée. Il faut des réseaux. Et chacun doit y jouer son rôle !

 

Déchiffrer, comprendre, faire des ponts : apprendre à lire, au-delà de cette triple activité, c’est apprendre à avoir des projets de lecture à partir d’une base de connaissances personnelles. Le dictionnaire peut entrer dans un projet de lecture « plaisir » qui serait celui de découvrir des mots et pas seulement de chercher scolairement une définition ou la nature d’un mot (nom, verbe, adjectif…). En CM l’enfant maîtrise environ 9000 mots. Pour lire un journal local il suffit d’en connaître 4000-4500 et quelqu’un qui a fait des études entre 25000 et 50000 mots. Quels écarts ! Or les mots permettent de voir le monde et reflètent la curiosité culturelle du monde. Le langage est un filtre pour voir le réel. Quand une langue disparaît, c’est une vision du monde qui disparaît pourrait dire Le Clézio. Aimer lire c’est aimer les mots et ce qu’ils offrent de lecture du monde, d’enrichissement de notre perception du réel .

 

Relation de l’école à la lecture.

Dans les manuels des années 50  il s’agissait de syllaber, de chercher ce qui était transparent dans les mots (LA PI-PE-DE-PA-PA). L’école faisait son travail de base en proposant en CP ce qui est maintenant abordé en G.S de maternelle par des activités plus opératoires. Ce qui se faisait en CE1 est redescendu en CP. Or, comme notre langue est opaque cela met une forte pression sur l’apprentissage. Ce travail de base des années cinquante se fait au détriment de la lecture de textes. Ainsi jusqu’au début des années 70, les enseignants ont des pratiques opposées à celles des bibliothèques : coins lecture spécialisés jeunesse dans les bibliothèques où on lit des histoires alors que l’école se concentre sur le déchiffrement, ce qui renforce l’aspect scolaire et grammatical de la lecture au détriment de la compréhension (lire pour s’informer, se distraire etc.). Seulement peu d’enfants accédaient au collège et jusqu’en 1980 25% environ des enfants obtenaient le bac ; ce qui est néfaste pour une société démocratique et son développement culturel et économique.

A partir de 1970, les choses évoluent positivement ; il y a une mixité de approches déchiffrer/comprendre. Lire, c’est comprendre. On se demande s’il faut des livres jeunesse dans les écoles. On se demande si c’est nécessaire d’avoir des livres dans les écoles. La création des bibliothèques d’école, au début des années 80 coûte cher à l’état. Formation dans les écoles normales sur les livres jeunesse. Découverte du livre « La psychanalyse des contes de fées » de Bruno Bettelheim qui montre tout l’intérêt des contes. On se met à faire des formations sur les contes.

Le problème devient : quelle répartition des rôles entre l’école et ses partenaires naturels (bibliothécaires, associations…)

 

III. Rôle de l’album, de sa lecture et de son appréhension par les enfants

 

 La littérature jeunesse est reliée à l’image dès son origine, ce qui engendre le mépris du milieu cultivé. Elle sert d’encadrement social et moral de la jeunesse aristocratique. La littérature jeunesse est considérée comme une sous littérature puisqu’il y a des images. Sans parler du mépris de la BD jusqu’à la fin du siècle dernier. Il faudra attendre les programmes de 2002 pour avoir une reconnaissance de cette littérature et des listes d’ouvrages recommandés. C’est seulement en 2002 que la littérature-jeunesse devient un domaine d’enseignement du français à l’école.

Débat : Dans vos lectures aux enfants il vous faut réfléchir à comment utiliser, montrer l’image. Il ne faut pas privilégier uniquement la lecture du texte.

 

Apports de l’album.

J’aborderai des points cruciaux : la notion de récit et de temporalité, le rapport à l’imaginaire et le rapport au langage et à l’oralité.

Récit et temporalité

Avant l’apparition de l’écrit, on date approximativement la capacité à structurer des récits oraux chez l’être humain à 50 000 – 100 000 ans. L’homme a au moins quatre millions d’années d’existence sur terre et n’a donc su parler (discours) que tardivement. Il n’a inventée l’écriture alphabétique que depuis 3000 ans et construit un dictionnaire digne de ce nom que depuis moins de 300 ans.

L’apparition du récit chez l’homme et son importance:

tant que l’homme n’a pas de récit à sa disposition pour penser la relation à l’autre on peut supposer qu’il a du mal a prendre conscience de ses buts et de ses intentions envers les autres et des autres envers lui. Il a donc du mal à distinguer, à travers ce qu’il fait, un événement (ce qui advient : tuer) d’une action (agissement orienté vers… et volontairement produit : un meurtre) . Quand on raconte des histoires aux petits on les met donc dans une position d’humanisation. L’enfant quitte l’événement pour l’action. Dans sa perception des relations humaines. Si j’ai des buts et des intentions envers les autres, je peux les prêter aussi aux autres et donc comprendre et juger leur conduite. Il est important d’avoir des personnages de méchants, l’ogre, la sorcière. Les sorcières sont perçues comme animées d’intentions mauvaises et d’autres êtres humains peuvent se comporter de manière similaire. L’événement est quelque chose qui advient simplement. L’animal reste au niveau de l’événement. Un animal sauvage domestiqué peut dévorer son propriétaire après plusieurs années de vie en commun, sans remords particuliers… L’être humain se définit par sa capacité à concevoir des buts et des intentions. Quand un très jeune enfant en mord un autre, il se conduit, de fait, comme un animal. Le processus d’humanisation est lent. Devenir humain est un processus lent et historique.  Raconter des récits, c’est amener les enfants à s’humaniser. En petite et moyenne section, la lecture d’album joue un rôle essentiel. La violence des enfants en maternelle est prévisible car ils sont en voie d’humanisation, de construction de la personne…

Quand vous lisez vous déléguez des outils de pensée qui ont été petit à petit « sémiotisés » par l’homme : la liste, le récit, la description. Les livres sont des outils qui gardent la trace de nos conquêtes cognitives et de nos avancées conceptuelles. Il faut les redonner, les déléguer à nos enfants.

Structuration de la temporalité.

Le langage est lié à la temporalité. La lecture : structuration du temps avec le passé, le présent et l’avenir. Le récit est fondamental, il permet à l’être humain de se situer dans le temps. Cf l’ouvrage de Valérie Tartas (2009) sur La construction sociale du temps chez l’enfant). On sait qu’il existe une gestion neuronale du temps en dehors des zones cérébrales du traitement du langage mais il n’en existe pas, à ma connaissance, pour le temps. Le temps est une construction historico-culturelle qui prend des formes variées et dans un premier temps non scientifique.

 

Imaginaire et rapport au langage.

Il faut de bons écrivains qui ont un rapport au langage qui fonde notre culture écrite ; c’est-à-dire notre jeu avec le langage. Le rapport poétique et métalinguistique au langage est fondamental. Sa gestion raisonnée opère en nous une désincorporation du langage. Au départ notre voix fait partie de notre corps et se perd, se fond dans le dialogue collectif. Par l’invention de l’écriture et le jeu sur, dans et par le langage nous avons acquis la possibilité d’éprouver notre individualité. L’écriture nous a obligés à mettre à distance le message et la forme même du message.

La force de l’album c’est d’apporter aussi un monde imaginaire qui vient enrichir le monde représenté de l’enfant. La lecture des albums amène une mise en commun d’imaginaires et un partage, un échange qui va faciliter, pour l’enfant, l’acceptation de l’autre, de sa différence.

 

 

IV. Les magazines

On compte aujourd’hui 12 millions de lecteurs de magazines entre 6 mois et 20 ans.  Il existe environ 80 titres.

Le magazine est un objet culturel différent de l’album car c’est un outil destiné à augmenter l’autonomie de la lecture. En effet il comporte plusieurs types d’écrits différents et le lecteur y circule de façon non linéaire (du début à la fin). Il comporte bien sûr des récits comme l’album et des récits sous forme de B.D. Au cycle 2, pour ceux qui souffrent de la scolarisation accentuée de la lecture, le magazine propose un espace alternatif. C’est un espace de liberté pour tout enfant. Il doit, bien sûr, être lu avec quelqu’un entre 1 et 7 ans. Lecture en tête-à-tête. On pointe du doigt, on explicite, on laisse l’enfant explorer ce qu’il souhaite à travers la diversité des rubriques. On dialogue sur ce qu’on lit. Le magazine restaure ainsi le rapport à la lecture qui doit être fondé sur un projet personnel (pourquoi lire ?). C’est un outil très utile alors qu’il est souvent méprisé par l’Institution. Il pourrait être didactisé et « pédagogisé » pendant les heures de soutien personnalisées.  Dans les années 70, en Amérique, l’ émission « Sésame street ». Les enfants ont été soumis à l’émission sans adultes et sans commentaires et on s’est aperçu qu’il n’y avait aucun résultat notoire en termes d’apprentissage effectif. Il fallait une médiation, une présence de l’adulte qui pouvait réagir avec l’enfant à sa perception des images.

Débat : quand vous lisez il faut accepter les réactions et prendre le temps de parler un peu sur cet album choisi. L’enfant doit pouvoir se l’approprier.

 

 

Conclusion

 

Il faut rendre la lecture familière, proposer des activités d’enrôlement comme «  lire et faire lire. » Effectuer des médiations et ensuite avoir un souci d’autonomisation de l’enfant dans son rapport à l’album lu. Les bibliothèques de classe montrent que cela marche. Montrer aux enfants qu’il y a des lieux croisés : écoles, bibliothèques, librairies, associations. Il faut redonner de la familiarité. Le livre doit être perçu par l’enfant comme un outil utile et familier, désirable.

Trilogie de l’efficacité selon Jérôme Bruner :

- Pointer du doigt, c’est-à-dire regarder ensemble quelque chose (ici le livre et ainsi lui donner de la valeur ; pb particulier des enfants du voyage)

- Co-action, il faut une médiation, faire quelque chose avec cet objet (ici le lire et donc amener l’enfant à réagir et comprendre à le réutiliser, se l’approprier)

- La durée : il faut prendre du temps. Y –a –t-il un retour possible, du suivi dans vos lectures et votre public ? Il faut installer des rituels, des scénarios qui reviennent.

 

 

Questions diverses

Une bénévole s’est vu demander pourquoi elle remportait les livres. Elle a fait une expérience de speed lecture : elle a lu les livres rapidement et elle les a laissés ; les enfants sont allés voir les livres ensuite.

Réaction : cela confirme que l’enfant revient vers l’objet que donne un adulte pour prolonger la relation, l’exploration. Cela incite à revenir dessus avec lui à nouveau.

 

Lecture pendant le temps scolaire :  

Est-ce judicieux ?

Réaction : l’enseignant a ce rôle mais peut le confier à un membre de l’association. Communauté d’action. Cela peut l’aider à créer des groupes moins importants pour faire autre chose (pb des classes à 30 élèves). Cependant la nature des tâches est différente. Si l’enseignant peut faire (et doit faire) une lecture dite « offerte » (sans tâche précise d’apprentissage) il doit surtout structurer didactiquement l’activité de lecture ; faire avancer les contenus de savoir (cf Y. Chevallard en didactique).

Quand vous lisez des histoires aux enfants vous vous inscrivez  dans une dynamique anthropologique et sociale (d’où l’intérêt de LFL d’ailleurs) alors que l’enseignant doit faire expliciter à l’enfant ce qu’il comprend. Il fait formuler par l’enfant ce qu’il croit comprendre. La compréhension est abordée de deux manières différentes : scolaire/interpersonnelle.

 

Compréhension à partir de la lecture :

 Dimension corporelle dans la lecture. Appel à la gestuelle. Quand on lit on interprète. L’auditeur peut dire qu’il ne perçoit pas le texte de la même manière.

Réaction : recherche de la place du corps. Une partie de l’activité de langage narratif est croisé avec la gestualité dans le traitement que notre cerveau fait de l’information. De cette manière, on a une narration impliquée, ce qui est différent d’une narration distanciée.

On peut jouer de ces deux types de lecture de récits.

 

Question sur les tranches d’âge indiquées sur les livres :

Est-ce sérieux, utile ?

Réaction : trois réponses possibles et complémentaires

-          les dates sont une réponse professionnelle liée au scolaire (progression/programmation ; liste des ouvrages par cycle d’enseignement)

-          les dates sont une proposition de l’éditeur en termes de guidage de lisibilité pour l’acheteur (âge défini en termes de niveau de difficulté de lecture, de développement cognitif, de sujet adapté etc.) et sont alors, sur le plan éducatif, indicatives et pragmatiques.

-          les dates sont une technique de marketing en termes de segmentation des produits.

-           

-          Ce compte-rendu a été validé par Monsieur Grandaty

 

Partager cet article
Repost0
25 mai 2009 1 25 /05 /mai /2009 17:40

Ces livres qui font grandir les enfants de Joëlle Turin (collection passeurs d’histoires)

 

Les enfants ont-ils besoin de livres pour grandir ? Oui répond J Turin mais pas n’importe lesquels.

Quand les albums n'infantilisent pas les petits lecteurs, respectent leur rapport au monde, ne les enferment pas dans un " prêt-à-penser " mais au contraire donnent des clefs pour ouvrir toutes grandes les portes de leur imagination, alors la lecture devient une expérience unique qui contribue au développement de la pensée et de la sensibilité.

A travers 5 domaines évocateurs de la vie de l’enfant : ses jeux, ses peurs, ses grandes questions, ses relations avec les autres et le monde de ses sentiments, ce livre explore une centaine d'albums remarquables dans lesquels cette heureuse alchimie opère.

 

« C’es livres qui font grandir les enfants » suite

 LES AUTRES ET MOI

Un bébé tout seul ça n’existe pas. Tout nourrisson est en relation avec quelqu’un d’autre. Ce rapport, indispensable, vital, même au début de la vie, sert d’ancrage à tous les liens avenir que l’enfant, quittant l’exclusivité maternelle, tissera avec son entourage.

A travers le regard de ses proches se forgent peu à peu un sentiment de sécurité interne, une estime de soi, la conviction de ses capacités, de sa valeur.

Le jeune enfant dont la personnalité s’éveille a besoin d’être soutenu, guidé et conseillé par l’entourage dont il dépend, auquel il se fie sans réserve. Il a aussi besoin d’acquérir des règles, voire une certaine discipline pour vivre les premiers échanges avec les autres, se confronter aux premières négociations et affronter les premières rivalités.

L’enfant s’initie ainsi à la vie en société. Il apprend à communiquer, à s’affirmer, à respecter les règles établies et à partager.

GRANDIR EN AUTONOMIE

Vrrr…… de C Bruel et N Claveloux : album court de petit format, uniquement des onomatopées, traite du détachement de l’univers maternel.

Bravo, petit Ours de MWaddell et B Firth : un ours décide de quitter la quiétude de sa tanière pour partir en exploration. Valoriser un enfant dans ses apprentissages n’est pas seulement un bienfait c’est une nécessité.

DES ECHANGES FERTILES  Une autre forme de complicité passe par le dialogue.

Ferme les yeux de K Banks et H Gallensleben : le petit tigre n’a pas envie de dormir malgré la demande de sa mère, il trouve toujours une bonne raison. Chaque argument opposé par le jeune animal à celle-ci, loin de provoquer la colère, trouve aussitôt chez elle un écho, une ouverture qu’elle l’invite à partager.

·          Baboon de K Banks et G Hallensleben : un petit singe découvre son environnement, sa mère veille constamment à favoriser un rapprochement entre son enfant et le monde. Baboon  a ainsi le sentiment  d’exister pleinement pour quelqu’un, d’avoir en lui une richesse susceptible d’être appréciée des autres.

·          Je vais me sauver de MWise Brown et C Hurd  l’histoire consiste en une joute verbale entre un petit lapin qui veut se sauver et sa maman qui n’est pas d’accord.

·          Un amour de ballon de Komado Sakaï, petit livre très simple et pourtant remarquable qui met en scène une maman et sa fille autour de la perte d’un ballon.

EN TOUTE COMPLICITE dans les livres, comme dans la réalités, certaines grandes personnes réussissent le difficile exercice consistant à accompagner l’enfant dans une pénible découverte comme dans :

                Les questions de Célestine de G Vincent : le grand ours Ernest, vieux célibataire, n’a pas hésité à prendre chez lui la petite souris Célestine trouvée dans une poubelle. Il fait de ce qui aurait pu n’être qu’un désastre une chance.

·          Sept histoires de souris, Ranelot et Bufolet, une paire d’amis, Oncle Eléphant  de Arnold Lobet  histoires courtes et simples qui traduisent les relations entre grands et petits, basées sur le partage et le respect mutuel.

·          Poka et Mine de Kitty Crowther chacun ses désirs, ses rêves, ses peurs, ses forces et ses faiblesses, le lecteur peut facilement s’identifier à ces petits coléoptères.

L HEURE DES BETISES : nombre de situations partagées par les adultes et les enfants suscitent de véritables rapports de force ou bien obligent à des compromis. Bien des albums parlant de ces conflits privilégient la voie d’une autorité faite de souplesse et dégagées de principes trop rigides.

Va au lit Alfred, Mange ta soupe Alfred de Virginia Miller : situations mettant en cause l’autorité des parents, Alfred expérimente les limites du droit et la patience des adultes.

Non de Claude Ponti : Ponti par son humour et le soin qu’il apporte dans ses livres à réconcilier les petits avec le monde et ses épreuves, joue avec bonheur de toutes les révoltes enfantines face à l’autorité.

·          Maman Quinchon se fâche d’Anaïs Vaugelade. Les histoires qui illustrent le refus d’obéir offrent à l’enfant le loisir de reconnaître ses propres pensées et comportements sans ressentir de culpabilité.

·          L maman et le bébé terrible de b Lindgren et E Eriksson : le bébé imaginé par l’auteur dans cet album qui accumule fugues, catastrophes, et bêtises suscite chez sa mère une fierté évidente car ils sont le signe de sa bonne santé.

·          Eloïse de K Thompson et H Knight : Eloïse cherche avant tout à se faire remarquer et à combler le vide laissé par une mère toujours en voyage et un père dont elle n’entend jamais parler

·          L’horrible petite princesse de Nadja  « c’était pas exprès qu’elle était méchante la petite princesse » mais peut-être  «  parce que sa mère ne s’intéressait pas à elle »

LE POUVOIR DES REVES l’insuffisance des liens affectifs et le manque de disponibilité des adultes, vécus comme une souffrance, peuvent être compensés par des rêves libérateurs
Anna et le gorille d’Anthony Brown Anna bénéficie, certes en rêve, mais qu’importe ! de la présence d’un gorille sensible et tendre pour remplacer un père bien trop pris par la gestion de ses affaires.

PETITS ET GROS TRAVERS DES GRANDES PERSONNES L’humour est la voie privilégiée des auteurs qui s’entendent à caricaturer les excès dont les adultes font preuve.

Petit Chou de Quentin Blake

·          Bibi d’Elzbieta

Ces  deux albums racontent l’histoire d’un enfant vivant une relation fusionnelle avec une maman extrêmement possessive. Ils démontrent aussi combien ces comportements excessifs freinent l’acquisition d’une autonomie indispensable pour grandir.

·          Enchaîné de V Dayre et Sara, raconte la triste existence d’un chien qui ne compte pour personne.

Les auteurs qui s’adressent à l’enfance reconnaissent et surtout célèbrent sa pensée, ses affects et son imaginaire. Les jeux relationnels si bien mis en scène dans les albums contribuent ainsi à combler le déficit d’échanges quand ceux-ci sont absents ou à valoriser leurs bienfaits quand ils existent.

 

 

 

 

 

 

 

SES PEURS

 

La peur est une affaire de l’enfance. Elle est le sujet ou le ressort de bien des histoires.

Les histoires, avec leur  cortège de loups et de dragons, de sorcières, de serpents et de monstres donnent symboliquement forme à ses peurs dans des lieux hautement symboliques comme la forêt, la grotte. Elles parlent de nuit, d’abandon, de l’autre, ou encore du mystère de la vie.

Elles offrent aussi à l’enfant un espace poétique de rêverie dans lequel il peut explorer ses craintes, les désamorcer, les déplacer sur des contenus plus distanciés et ainsi élaborer des défenses.

Une interaction s’établit alors entre l’histoire qu’il écoute et son expérience passée, faisant de la lecture  un vécu qui contribue à  structurer sa personnalité.

 

Quelques livres références et thèmes évoqués

 

·        La peur de la séparation, apprendre à quitter sa maman

« bébés chouettes » de Martin Waddell, édition kaléidoscope

« je t’aime tous les jours »  de Malika Doray, édition Didier Jeunesse

 

·        La peur du noir

«  tu ne dors pas petit ours » de Martin Waddell,  édition Pastel

«  scritch, scratchclip clapote » de Kitty Crowther, édition Pastel

 

·        Les cauchemars

«  il y a un cauchemar dans mon placard » de Mayer Mercer, édition Gallimard jeunesse

« le cauchemar » de Claude Ponti l’école des loisirs

 

·        La peur du loup

« roulé le loup » de P Gay-Para,  édition Didier Jeunesse

« les trois petits pourceaux » de Coline Promeyrat

« le garçon qui criait « au loup » » de Tony Ross, édition Gallimard

« mademoiselle sauve qui peut » de P Corentin, édition école des loisirs

« les trois loups » d’Alex Cousseau, école des loisirs

« Plouf » de P Corentin, école des loisirs

« l’anniversaire de monsieur Guillaume », « une soupe aux cailloux » de Anaïs Vaugelade école des loisirs

«loulou » de Solotareff, école des loisirs

 

·        La peur de l’ogre

« monsieur l’ogre et la rainette » de Solotareff »école des loisirs

« le géant de Zéralda » de Tomi Ungerer

«  chien bleu »de Nadja école des loisirs

 

Joëlle Turin conclue : les enfants connaissent, et parfois jusqu’à la terreur, ces peurs d’un jour ou de toujours. Ils doivent pourtant parvenir à les combattre, car ils ne peuvent grandir harmonieusement que dans un sentiment de sécurité. Quand l’imaginaire des auteurs scénarise pour eux ces thèmes effrayants, ils donnent une forme aux angoisses par des représentations tangibles et maîtrisables. C’est d’évidence une bonne raison pour ne pas priver les jeunes lecteurs de ces peurs de papier.   

 

 

« Ces livres qui font grandir les enfants » suite

 

Dans le chapitre 5 de son livre J Turin aborde les grandes joies et petites peines à travers les albums jeunesse.

Les enfants vivent toutes leurs expériences avec intensité. Immergés dans le moment présent, les petits ne possèdent pas les outils du monde adulte qui aident à relativiser, à mettre de la distance. Chaque événement, qu’il soit vécu de manière positive ou négative, prend un relief démesuré. L’échange avec les autres fait jouer les passions dans le désordre et dans l’excès.

Les albums évoqués ci-dessous renvoient l’enfant au sentiment cruel de la solitude.

·        Marcel et Hugo d’Anthony Browne illustre la difficulté d’être dans un groupe et d’y remédier.

·        Le loup de Sara, bouc émissaire chassé par les autres  de la meute

·        Neige de Grégoire Solotareff évoque l’immense  solitude d’un loup blanc abandonné par ses parents qui ne veulent pas un louveteau différent d’eux. Au fil des pages nous découvrirons que nommer fait exister.

·        Moi et rien de Kitty Crowther pour  combler le vide de l’abandon l’enfant invente une présence imaginaire, un ami, un double : Rien. Lila trouvera une issue à son isolement et embellira le jardin qui est en elle.

 

Frustration et privation génèrent souvent chez l’enfant de grosses colères.

Certains auteurs adoptent le point de vue du rebelle, parviennent à exprimer le trouble profond qui habite l’enfant, la difficulté qu’il éprouve à sortir de l’engrenage de la violence et la souffrance que provoque cette relation défaillante.

·        Max et les Maximonstres de Maurice Sendak illustre ce propos.

Max, costumé en loup (image de son conflit intime)entreprend un voyage imaginaire au pays des monstres car il est puni par sa mère et doit rester dans sa chambre. Les changements dans le décor et dans l’attitude de Max reflètent son évolution psychologique, passant d’une colère ouverte à une irritation transformée en une rêverie compensatoire. Grandir c’est peut-être apprendre à maîtriser ses tendances hostiles.

·       Triste journée pour Johny d’Eward Ardizzone privilégie la voie de l’humour et de la  tendresse pour mettre en scène le sentiment persistant de mécontentement, d’injustice.

Le petit garçon mal luné passe sa mauvaise humeur sur son entourage et ne supporte aucune contradiction ce qui lui vaut le rejet de tous.

Au fil d’une trentaine de page sans texte, l’illustrateur décrit progressivement le difficile renoncement du héros à ses désirs et tendances agressives.

D’autres albums mettent en scène le sentiment de jalousie en rappelant les circonstances susceptibles de le provoquer. (une naissance, l’attachement fusionnel d’une mère et son fils, la rivalité…)

·        Jules, le plus beau bébé du monde de Kevin Henkes

·        John, Rose et le chat de Jenny Wagner

·        La vengeance de Germaine d’Emmanuelle Eeckhout

 

Les enfants ont un immense besoin de témoignages d’amour. Les auteurs les plus inspirés savent trouver bien des façons de les incarner, les livres sur ce sujet abondent.

·        Très, très fort Trish Cooke et Helen Oxenbury

·        Devine combien je t’aime de Mc Bratney et Anita Jeram

·        Les mots doux de Carl Norac et Claude K Dubois.

 

Rien ne saurait tarir le besoin de tendresse qui habite tout enfant, la nature optimiste de l’enfant l’emporte toujours. 

 

Quand ils parlent d’amitié, les livres prennent en compte que les besoins affectifs de l’enfant ne se limitent pas à l’entourage familial de l’enfant.

·        Trois amis de Helme Heine, l’amitié est une règle de vie pour le coq, la souris, et le cochon. Les aquarelles douces et lumineuses transmettent au lecteur un sentiment de joie et de bien être.

·        Loulou de Grégoire Solotareff, relation bien  particulière du jeune loup et du petit lapin. Comme le jeune enfant ils n’ont pas de peur ou de prévention à l’égard des différences.

·        Petit Bleu et Petit Jaune de Léo Lionni, ici aussi l’amitié est facteur d’émancipation et d’acceptation des différences. Les 2 amis sortent grandis de cette histoire et les parents y apprennent que leurs enfants peuvent sortir grandis, loin d’eux, et vivre des expériences qui les transforment et les enrichissent.

·        La vie de KumaKuma de Kazue Takahashi : un enfant se plaît à imaginer la vie de KumaKuma, jeune ours, à défaut de proximité réelle il crée une une proximité affective et sentimentale.

·        Angus et la chatte de Marjorie Flack dans cet album il s’agit de comparer les avantages à être seul ou accompagné. Il n’est pas facile de voir l’autre faire ce qui nous est interdit ou impossible.

 

Dans tous ces albums qui traitent de solitude, d’amitié, de jalousie, d’amour, de colère, les petits héros des livres se confrontent aux autres et apprennent quels renoncements exige la relation avec ses semblables.

 

 

Partager cet article
Repost0